lundi 27 juillet 2009

La gazette de Paris #30

Bourrasque dans ta gueule


Tim Walker


J’ai mis mes méduses.
S’il pleut, j’aurais l’impression d’être au bord de la mer.
Il pleut.

Mais j’ai tout de même du mal à imaginer l’horizon.

Je me sens un peu poisson hors de l’eau, rejeté par grosse vague qui ne sent pas sa force.

Celui qui aurait pris une grande respiration avant de se retrouver comme un con sur le bord du rivage à s’énerver d’étouffement, et qui va sans doute bientôt réaliser qu’il suffit d’ouvrir la bouche pour reprendre son souffle dans un grand sanglot de soulagement.

Le déluge, ça m’excite.
On se demandait ce soir quand est-ce qu’on cesserait d’exister par amour de la déferlante. Par goût de la bonne baffe qui pousse par instinct d’équilibre à chercher le meilleur angle pour retomber sur ses pieds.

Vomir en bloc,
Rire très fort de très bon cœur jusqu’à en jouir,
Jouir ou se tordre de douleur,
Imaginer que la mort nous touche de près,
Expérimenter le véritable manque et hurler.

Jouir le plus souvent possible.

Avoir recours au subterfuge, faire croire au déguisement de l’oiseau-chat qui saute habilement de branche en branche et fréquenter ceux qui, non pas par peur ou par anxiété, mais par amour et spontanéité, devanceraient le caprice.

Arrêter de faire des caprices.

Poisson ayant repris son souffle méduse aux pieds,
admet qu’il échangerait volontiers,
bourrasque froide contre vague de chaleur.

lundi 15 juin 2009

La Gazette de Paris #29




La chair est faible, la chair est faible


- J’ai retrouvé une culotte à toi dans ma chambre.
- (étonnement, incrédulité) Ah bon…(puis, ton piquant qui cherche la merde) T’es sûr que c’est pas celle de ta colloque ?
- (phrase inutile qui mérite une baigne) Non, je l’ai trouvée avant qu’elle n’arrive.

(Source anonyme qui ne souhaite très probablement pas être citée)


La Chair fraîche

- Si on ne peut pas toucher les seins, plus de salade de pâtes.

(Pap Deziel, l’amour de la vie et de la terre nourricière)


Instinct de survie


- Quatre vodka, t’es bourré
- Trois piqûres de frelons, t’es mort

(Antoine Viviani, Parc de Belleville, dans un grand moment de lucidité et de logique implacable)

lundi 1 juin 2009

La Gazette de Paris #28

Promenons-nous



Chrystel Lebas


Dans les bois, pendant que le loup n’y est pas.

Il faut mettre des patins pour rentrer dans mon esprit.

Plus de batterie, 15h20, tout est calme.

Seuls les Krispolls résonnent douloureusement dans ma tête,

Il suffit de les tremper dans le thé pour qu’ils fassent moins de bruit, je sais.


Un matin où le titre idéal aurait pour nom Aspirine, peut-être un peu plus tard Vitamine C, mais où le meilleur Aspro reste quand même un bon rayon de soleil sur la peau et quand en marchant je me raccroche à ta main dans ton dos.

Promenons-nous…
Elle peut toujours tambouriner, je ne laisserai pas rentrer la peur dans mon esprit.

Trop occupée à retracer la soirée,
La route de ma robe et de mon appartement,
Je prends le temps et des détours,
J’essaie de me perdre en tournant plusieurs fois sur moi-même :
Je passe d’une romance à une autre,
j’en regarde et j’en invente,
Je fais trois fois le tour de ma courte vie.
Mais je commence assez bien à connaître la route de mon esprit.
Je m’y promène…

Quand je pars loin, j’emporte toujours un collier cassé, maman me l’avait prêté, j’en aurais perdu une perle dans chaque pays. Je vais rester ici un moment, juste regarder l’orage de l’intérieur, lui rire au nez, et bientôt, je remettrai toutes les perles bout à bout autour de mon cou.

J’ai rempli mes mains et le frigo de mes obsessions du moment.
Les fleurs, les radis et les noix des souris.




Je ris parce qu’il n’y a jamais eu de prince charmant,
Depuis que maman m’a déguisée en petit chaperon rouge
Un seul et unique grand méchant loup,
Tire la chevillette, la bobinette cherra…

Aujourd’hui rien n’a vraiment changé,
Dans les bois pendant que le loup n’y est pas,
le petit chaperon rouge du grand méchant loup,
mis à part qu’aujourd’hui je sais que j’aime ça.

lundi 4 mai 2009

La Gazette de Paris #27

Bus ou patins




My patins are cooler than me.
Tu chausses du combien Justine Kennedy ?
Bah, j’ai que deux pieds de 38 cm chacun
mais j’aimerais bien chausser plein plein de patins…

Une fois, un garçon est sorti de chez moi, et il a dit « Merci ». Pas à bientôt, ni même au revoir. « Merci ».

J’aurais pu répondre,
« Et avec ceci ? »

Mais j’aurais trop eu l’impression d’être à la boulangerie, et je déteste vraiment les boulangères. J’en ai simplement déduit que je devais être d’utilité publique. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que je rends service. C’est d’ailleurs ce que m’a dit, hier, le garçon dont je testais les mojitos pour voir s’ils avaient bien le goût du paradis comme les Bounty quand on est au ski.

Je me suis dit, my patins are cooler than me.
Hey Roller girl, je t’emmène faire un tour au driving ?
Non, en fait je préfère le bus.

Vraiment, j’aime le bus. J’ai le temps, ça me berce. Je fais ce que j’aime le plus, regarder les façades des immeubles éclairés. J’attends patiemment 15 minutes qu’il arrive (patience ne fait habituellement pas partie de mon vocabulaire), je cours sous la pluie, parce qu’en fait je me suis trompée d’arrêt, je regarde la pub Macdonald sur ma droite et j’imagine qu’elle est accompagnée d’un diffuseur d’odeur, parce que ça sent vraiment le steak haché. Et puis je pense aussi à rien et ce n’est pas plus mal. Sinon, je me dis :

My patins are cooler than me.

Parfois quand je vais à la boulangerie, que je ne veux que du pain mais qu’on me demande quand même, avec cette voix nasillarde qui m’horripile :

« Et avec ceci ?»

Et ben, en fait oui, je change d’avis. Je voudrais un beignet fourré à la confiture goût cœur amour, une tartelette saupoudrée de « tu es la fille qui rend service que je préfère », et un éclair d’émotion jusqu’au prochain frisson.

« Merci ».

dimanche 19 avril 2009

La Gazette de Paris #26

La tête dans le cosmos


Photo: Sacha Maric

Passé l’hiver, qu’allons-nous faire ?

Tu écris quoi ?
J’essaie d’écrire un libre, je veux dire un livre

T’es enrhumé ?
Non, le « V » est juste à côté du « B ».
Lapsus révélateur, ou dyslexie mentale ?

Ça me sort par les doigts…
Les mots sortent par la peau.
Les maux sortent par la peau.

Alors tu transpires beaucoup.
T’aimerais que ça te dégouline tout autour du cou.

Alors que tu sais très bien,
Que c’est dans ton sang qui coagule,
Des dessins dans de petites collines,
Et tu liras l’histoire dans le magma.

Ça ne m’inquiète pas plus que ça,
Mais je crois savoir où l’on va…


Le temps de lire les lignes de ta main dans le rouge cosmo
Saison d’un Kiss-sur-gin-tonic-lips

Passé l’hiver, j’aurai des petits coquelicots dans la tête
Et puis un maillot de bain couleur vodka jet.

Passé l’hiver…

Je sortirai de l’HP de ma tête,
Le cosmo sera comme une deuxième peau

Passé l’hiver, ce serait, là maintenant.

dimanche 22 février 2009

La Gazette de Strasbourg #2

Rouge-bouche


(Alison Brady, a-dream-like-this.blogspot.com)

Le garçon ne veut pas embrasser le rouge sur sa bouche.

Elle lui dit : « Tu sais, on peut aller danser, d’ici là j’aurai sans doute tout mangé »

- Mais si je t’embrasse finalement ?
- Je partirais sans doute en courant.

L’enfant impatiente qui trépigne. Vexée de la moindre inattention, elle tape du pied et serait prête à arracher la tête de n’importe qui, comme elle faisait petite de celle de sa poupée quand elle n’arrivait pas à la coiffer.

C’est l’enfant qui met parfois son masque de méchante.
Amour sans condition et sans obligation de réciprocité.

Tout, tout de suite, l’enfant qui trépigne adore le son de ce mot.

J’aime aussi pneumatique et corridor. Mais ce que j’aime le plus encore,

C’est reculer pour mieux sauter.

Puisque de toute façon il suffit pour moi de fermer les yeux pour pouvoir t’embrasser.
Puisque jouir prend tellement de temps.
Autant fermer les yeux et y penser très fort sans rien tenter.

S’il te plaît. Invite-moi à danser.



J’ai mangé tout le rouge, j’entame les lèvres.
J’en arrache des petits morceaux avec les doigts.
Je m’en mords les lèvres et puis les doigts,
Puis l’intérieur de l’estomac, tralala.

dimanche 15 février 2009

La Gazette de Strasbourg #1


Éloge du sommeil et du temps perdu



La vierge m’avait déjà averti trois fois. Ça y est, elle m’a lâchement abandonnée, du moins c’est ce que j’ai cru lorsqu’elle est parti de son plein gré.

Je ne sais pas s’il faut que je le prenne pour moi, enfin tout de même, c’est vexant. Mais la vierge n’a plus la patience, la vierge se casse, la vierge t’emmerde, elle en a marre d’être prise pour un vulgaire porte-clef.

Il est probable que ce soit le bon dieu qui m’ait puni de ne pas croire en lui, ou au contraire qu’il ait pris pitié d’une virginité prolongée en dépit du fait que je ne serai plus pour lui à la fin de toute cette histoire qu’impureté et péché.

Je l’ai peut-être vexé à la messe de minuit. J’étais bourrée, soit, et accompagnée de ce qui se fait de mieux en termes de culture punk et alternative. Si bien que quand le curé a dit à ses brebis que tout le monde avait sa place dans la crèche, on a bien failli se retrouver à la place du petit Jésus. Enfin dans le meilleur des cas, car vous n’êtes pas sans savoir que dans le fond de la scène de la nativité, il y a aussi une vache.

Enfin, tout ça pour dire que plus personne ne me surveille. Le poids de la vierge dans ma poche a disparu, le temps est suspendu, je vais dormir le temps qu’il revienne, qu’il s’intéresse de nouveau à mon destin, et puisqu’on fait rarement les choses pour rien, je vais dormir et prendre des forces pour l’éternité.

Mais pendant que je décide désormais de vivre ma vie les yeux fermés (pas évident lorsqu’on va au boulot en vélo, et que, les moufles et le froid aidant, toute l’habileté de mon corps s’est réfugiée dans le pompon de mon bonnet). Alors que je croyais la vierge perdue sur un trottoir d’un bouge strasbourgeois, peut-être se vautrant même dans un caniveau, elle décide enfin de me parler.

- Est-ce que tu crois que dormir est une vraie solution…

Vous vous imaginez bien le ton qu’elle a la vierge, elle n’est pas énervée, le ton est posé, rond et maternel, à tel point qu’on croit simplement rêver. Mais non. Elle me réveille.

- Tu sais que tu n’auras déjà pas assez de toute une vie.

Ouais, c’est ça… manquerait plus que je ne la passe à rêver, à égarer la ville au fond de l’édredon et perdre les paysages au creux de l’oreiller… Je fais un effort surhumain pour soutenir le poids de mes paupières avant de succomber. Juste le temps de me dire que du canapé la vue est limitée, mais tout de même assez large pour savoir qu’il serait franchement stupide de sortir pour immortaliser la végétation gelée.

- Tu perds ton temps…
Elle ment. Tout le monde sait que rien ne vaut un bon cauchemar et ça repart. J’aime le temps perdu, celui qui ne sert à rien. Sûrement un élan anti-capitaliste qui me fait préférer la contre productivité. Et en ce moment je suis très très anti-capitaliste… Le seul intérêt pour moi dans le fait de me réveiller, c’est de me dire que je vais avoir le bonheur de pouvoir me rendormir.

Plus la vierge est en moi, plus elle s’insurge. Ses oreilles sifflent. Elle me suit même jusque dans mon lit. L’autre jour, on était trois, un peu à l’étroit. À moins que ça aussi je ne l’ai rêvé, il dit qu’il a été chercheur à la NASA, je ne sais pas pourquoi, personne ne me crois… Je m’étais dit qu’ainsi elle allait bien finir par s’en aller. Que le problème majeur, comme dit ma collègue Laurence, c’est que les garçons nous veulent tout simplement du bien, sinon, la vierge et moi, on aurait sans doute pu cohabiter.

- Tu as gagné.

Je crois que ça a marché.

- La question est de savoir si tu vas pouvoir continuer à profiter du temps perdu en toute impunité…

Je ne l’entends plus. Même « Au coin des pucelles » (où paradoxalement on mange de la très bonne choucroute), elle avait disparu.

Elle a dû comprendre que Justine Kennedy avait repris le dessus sur les résidus égarés de vierge effarouchée.

Plus de voix, je me sens seule parfois, mais je commence à reprendre avec moi de longues conversations, j’ai seulement crû pendant quelques mois que j’étais condamnée à cette chose si triste qu’est l’immaculée conception.