dimanche 24 février 2008

Gazette de Paris #12

Your eyes when we kiss




Vexée pourquoi ? Vexée parce que. Vexée dans la vie en général. Que les choses, et les gens ne soient pas à la hauteur de ce que j’avais espéré. Et aussi d’avoir le vent dans le nez, que ça décoiffe ma frange. Ce matin, la lumière agresse particulièrement mes yeux.
Un ami m’a dit : « C’est toujours mieux de passer la nuit avec quelqu’un que tout seul ». Mauvaise réponse, recalé. Tristesse. C’est un peu comme chanter à la gueule de quelqu’un :

I’m waiting for someone and it’s not you
I want her to be around
But it’s not you
We do share some good time you and I
But funny is not enough as days go by
Close your eyes when we kiss,
Cause I don’t want you to see
That you’re not the one that I miss,
When I look at you with envy

"Your eyes when we kiss" de Hey Hey My My, c’est beau à pleurer mais c’est des coups à déprimer.
J’ai regardé à l’intérieur de moi, vu qu’il n’y avait personne d’autre à côté, et j’ai parlé en tête à tête avec mon cœur :
- Ça ne me suffit plus Justine, l’accélération cardiaque du coït ne m’excite plus, je veux vivre quelque chose de fort à m’en faire péter les artères, je veux m’emballer à en avoir le souffle coupé.
- N’aie pas peur mon cœur, tout peut encore arriver. Ce sont les autres qui ont les artères bouchées. Je suis entière, il ne pourra pas m’avoir à moitié.
- Mais il t’a eu patate crue.
- Non, c’est même pas vrai.
- Je ne suis qu’un cœur, mais je sais qu’on n’attrape pas les filles avec du vinaigre.
- Je ne suis qu’une fille, et je sais que je ne me laisserai pas attraper par un cœur de petit branleur.
Mon grand défaut, c’est d’imaginer les dialogues à l’avance. Souvent, dans la rue, je regarde les grandes fenêtres des immeubles parisiens, je ne cherche personne du regard, j’imagine des vies sous les plafonds des salons éclairés. L’autre jour, j’ai bien failli me faire écraser.
Il faut que je relève la tête parce que sinon je vais peut-être finir par y pleurer toute seule à l’intérieur. Je repars la tête haute, le soleil dans les yeux, le regard bien loin, plongé dans le truc inconnu qu’on appelle demain.

dimanche 17 février 2008

Gazette de Paris #11

High Fidelity



Faisons court. Semaine brillantissime. Le jour de la St Valentin, je déjeunais avec une sexologue qui m’expliquait que notre époque était celle du don Juanisme :
« La peur de l’amour s’exprime par des difficultés à s’engager. Ce sont des hommes pour qui la conquête est plus importante que le reste, que la personne, ils ont donc des difficultés à rentrer dans une relation. Une fois que la femme est consommée, c’est fini. C’est limite de la pathologie narcissique ».
Personne ne se reconnaît, non, c’est bon ? Qui s’aime plus que la personne en face ? Qui serait prêt à lâcher un peu de lest ? Je sais, on a tous trop la frousse.
Derrière moi, le menu du soir. Ça commence par « Les préliminaires : canapés aux truffes » (c’est vous les truffes), il faut que je sorte de cet endroit. J’y serais restée, ou j’aurais pris le bus, si j’avais su qu’un mec chanterait « Love me Tender love me true » sur une sono pourrie dans le métro. C’est à cause de connards comme ça que l’on reste coincé des heures pour cause d’incident voyageur.
Plat de résistance, je fais preuve d’un cynisme improbable et mate « High Fidelity ». Mon moment préféré, c’est quand John Cusack se demande : « What came first, the music or the misery ? Did I listen to pop music because I was miserable ? Or was I miserable because I listened to pop music ? » Je me pose moi-même la question en écoutant « Sea Side » de The Kooks (en boucle parce que c’est la seule chanson que j’aime vraiment de l’album).
Heureusement, le week-end arrive, j’ai bien envie de conduire en état d’ivresse et sans ceinture de sécurité. C’est ce que j’ai fait, enfin, j’ai pris un taxi quoi, après avoir bu quelques verres de Frascati, vin corse présenté comme la sueur de Dieu…Amen. Je me suis connue plus kamikaze que ça. Faut que j’arrête de jeter des trucs sur les murs qui ne cassent pas. Prendre quelques risques. Arrêter de brouiller trop les pistes. Mais continuer à mettre des petits mots dans la boîte aux lettres des garçons. Et cette fois-ci, je ferai bien les choses, je ferai en sorte que ce ne soit pas la copine du mec qui tombe sur mes propositions malhonnêtes…
En dessert, je vais reprendre un petit bout de Six Feet Under.

dimanche 10 février 2008

Gazette de Paris #10

Haut les mains, peaux de lapins.



Je regarde les petites bulles de gras que mes tartines de beurre ont fait dans le café. Je me dis que je ne penserais peut-être pas à ça si y’avait quelqu’un en face de moi, enfin j’ose espérer, que je n’essaierais pas non plus de voir quelle tronche j’ai dans le reflet de mon bol de café. Et que c’est sûrement plus drôle de mettre des miettes de pain dans mon lit, à deux… C’est dimanche, il est tard, heureusement, Clarita me réveille, précisant que quand on est seule dans son lit, on n’a pas le droit de se lever à 15h, qu’en plus y’a du soleil. Mais moi, je suis une fille moderne, donc je fais ce que je veux.
Déjà hier soir, on savait tous qu’on n’irait pas au brunch, qu’on aime beaucoup l’idée, mais que c’est jamais dans la mesure du possible niveau horaire. Guillaume propose qu’on fasse ça le soir, je propose donc le « dunch ». On savait que ça allait mal tourner, que certains finiraient pas porter des oreilles de lapin ridicules.
Je me lève, si on peut dire, parce que je me remets au lit avec le deuxième sexe... de Simone de Beauvoir… faute d’autre chose, priant pour que Clarita ne rappelle pas pour qu’on aille au parc ou un truc comme ça. J’entrouvre juste le rideau de dix centimètres pour lui faire plaisir. En ce moment j’aime bien être dans le noir, je fais en sorte que tout soit bien opaque, même les jours de grand soleil, je simule un cocon protecteur, c’est l’hiver.
J’ai un peu du mal à en sortir. Le cocon me procure chaleur, musique, lecture et nourriture, je ne regarde pas la télé, je me la pète, je regarde uniquement La cinq ou Arte. Vendredi, je ne sors pas. Je me dis qu’exceptionnellement au yoga, je vais pouvoir suer de l’eau, comme tout le monde, et pas de la vodka.
La préparation d’une purée de pois cassés, patates, carottes m’excite particulièrement, niveau musique, je n’ai pas trop d’idée, du coup j’écoute Gonzales et je continue par tous les groupes qui commencent pas G : The Gossip. Gravenhurst, The Greenhorses, Grizzly Bear... Et je rigole en lisant Simone de Beauvoir :
« La femme apparaît comme la plus redoutable tentation du démon. Tertullien écrit : « femme, tu es la porte du diable. Tu as persuadé celui que le diable n’osait attaquer en face. C’est à cause de toi que le fils de Dieu a dû mourir ; tu devrais toujours t’en aller vêtue de deuil et de haillons ». Quand je pense que des femmes ont dû se laisser pousser les poils des bras et arrêter de porter des soutifs pendant 20 ans pour rétablir certaines vérités, d’abord ça me dégoûte et ensuite, ba, ça me fait penser que demain, faut que j’aille me faire épiler. Enfin, non, pas la peine, je suis impure en ce moment. « C’est le jour où elle est susceptible d’engendrer que la femme devient impure. En Egypte, la femme est traitée avec des égards singuliers. On l’exposait sur le toit d’une maison, on la reléguait dans une cabane située hors des limites du village (…) ». J’entends Petra me souffler à l’oreille, dans une imitation parfaite de Samantha Jones, « bah pourquoi tu sors alors ? »
Parce qu’on est ni en Egypte, ni au Moyen-Âge, qu’on est samedi soir et que j’ai pas l’intention de me laisser déporter dans un bar en banlieue. J’en profite, je suis à bloque de mojo, je le sais parce que le métro arrive de nouveau en même temps que moi sur le quai, et ça pourrait ne pas durer (j’écris ça avant de me cogner le coude et d’avoir de l’électricité plein le bras). Je vais donc me faire couper la frange, histoire de voir où je mets les pieds, même si je sais que je vais finir par ne plus rien voir du tout, que ce sera forcément flou.
Simone de Beauvoir, Virginie Despentes, un dimanche spécial féminisme, chose à laquelle je ne me suis jamais vraiment intéressée. Sûrement pour les mêmes raisons que Virginie Despentes évoque dans « King Kong Théorie » : « Pendant des années, j’ai été a des milliers de kilomètres du féminisme, non par manque de solidarité ou de conscience, mais parce que pendant longtemps, être de mon sexe ne m’a effectivement pas empêché de grand chose ».
J’interroge alors mes copines sur ce qui semble nous différencier tellement, les filles et les garçons, et sur les raisons pour lesquelles nous sommes des filles intelligentes mais seules. Charlotte me regarde d’un air incrédule, comme si elle n’y croyait pas que je ne sache pas.
- C’est simple, le garçon a un zizi. Il veut s’en servir, mais pas toujours avec la même personne… , m’explique-t-elle.
Moi ça m’arrange, parce que sinon je ne pourrais pas être la maîtresse de garçons déjà maqués, et la vie serait beaucoup trop simple, pas du tout assez épicée. Soyez mes bourreaux, je jouerais le rôle de la sorcière. On est pas tellement différent finalement, sauf que moi, en plus d’être une fille, je suis magicienne, et j'ai le pouvoir de vous transformer en lapins ou autre gibier.

lundi 4 février 2008

Gazette de Paris #9



Sex and the Showcase
(Le titre n’est pas de moi, le contenu de la gazette non plus d’ailleurs, certains seraient en droit de réclamer des droits d’auteur).

Vraiment, je n’y croyais plus trop… J’en étais même arrivée à m’amuser de la perspicacité de ma boîte gmail qui m’envoie des Spam en relation directe avec l’objet de mes messages électroniques :
- « Hommes et sentiments. Comment faire parler un homme de ses sentiments : un guide spécial ».
- « Votre ex vous a quitté(e), notre stratégie peut vous aider. Rapport gratuit : éviter les erreurs »
- « Comptabilité amoureuse, notre expert voyant vous révèle votre bonheur en amour. Gratuit ».
En traversant le pont Alexandre III samedi soir, les paupières un peu lourdes de la fiesta de la veille, je parlais avec les petits bonhommes qui sont dans ma tête (moi aussi ça m’arrive) et je me disais, Justine, toi et les autres vous êtes au bout du rouleau, pourquoi tu vas pas faire dodo ?
- Parce que, m’ont-ils répondu avec impertinence.
Je regarde l’énorme file d’attente du haut du pont, et la seule chose qui me fait jouir intérieurement (pour l’instant), c’est de penser qu’au moins ici, il y a une grande queue (et franchement je ne suis pas particulièrement fière de cette remarque), mais surtout que je vais griller les cent cinquante petits bourges chemises blanches et gominés qui viennent fêter le mariage de Sarkozy. Direction les back stages. Y’a plus de bière ? Je prendrai donc une vodka, tant pis. Je ne passerai à la Cristalline que lorsque ma tête se mettra à virevolter dangereusement et quand, les yeux fermés, j’embrasse un garçon sans retenu aucune, tout en me cramponnant à lui avec l’impression que je vais vraiment tomber, ou lui vomir dessus.
La soirée avait vraiment commencé tranquillement, par un apéro plus que raisonnable, ce qui m’étonne quand j’y repense, parce que les mojitos n’étaient qu’à quatre euros, et je n’en ai bu que deux… Je discutais avec le garçon qui, à ce jour, est sûrement le plus romantique de tous, c’est aussi lui qui a révolutionné le principe de la date new-yorkaise, passant la règle des trois rendez-vous en un (sûrement parce que je le valais bien), et rien que pour ça je lui serai reconnaissante toute ma vie. Mais même les meilleurs ne sont pas à l’abri d’une bonne remarque de mec :
- Alors, tu es amoureux ?
- Non pas vraiment, mais c’est con, c’est un bon parti pourtant, me dit-il. Gros seins, grand appartement, gros compte en banque.
Je ris très fort, parce que je ne peux pas faire autrement, je ne vais pas me mettre à pleurer non plus, surtout en pensant que j’ai des petits seins, que je n’ose pas regarder l’état de mon compte en banque, que j’habite dans un placard et que d’une certaine manière, je serais bien un peu plus à découvert…
Je pars finalement au Showcase, en me disant, fuck les mecs, mes copines, elles sont trop cool, un peu plus tard je me rendais compte de la signification du mot euphémisme, et que la réalité dépassait largement ma pensée. Ce soir-là, les JVC étaient déchaînées, surtout le J. Elle a décidé de retourner la loge en lui donnant des allures de fête d’ados américains en balançant du PQ partout, et ouais faut pas faire les choses à moitié, surtout quand on est sponso par Ben&Jerry’s. Ça piaillait dans tous les sens, je ne sais plus qui a hurlé « non, je ne suis pas une pute à frange », ni ce qu’est devenu le mec à qui la première lettre de JVC voulait péter la gueule. Je me souviens par contre que Célinette parlait de l’amour avec un grand L (au Showcase, faut oser quand même), tout en définissant le looser : « un mec con qui se cache derrière un physique pourtant si agréable », et la salope : « une meuf trop bien pour vous ». La palme de la plus jolie expression revient, elle, au V., quand elle explique à je ne sais plus qui, qu’il a « frappé à la bonne personne », peut-être était-ce au moment où le régisseur demanda, suppliant, deux JVC pas trop bourrées pour mixer… je sais plus.
Moi, je m’occupais des lèvres de mon voisin et de la bouteille de cristalline. Je me disais que la vie peut parfois être facile, contrairement à ce que je pensais le matin même, lorsque, désespérément déshydratée, pendue au goulot de ma bouteille de coca, un pépin de citron obstruait ma paille et que plus tard la menthe empêchait le flot du mojito.