mardi 7 octobre 2008

La Gazette de Beyrouth #1

A la recherche du souk perdu



Les yeux me crient :
- T’es nue et t’es blanche.
- Vos gueules les yeux ou j’enfile une burka.
Ils ne veulent rien savoir et en rajoutent :
- On en reparlera après le mariage, en attendant, t’es blanche et t’es seule, pourquoi ?

Pourquoi, ah bah oui, pourquoi ? Moi, je cherchais juste les souks… et voilà que je me retrouve avec une question existentielle en plus sur les bras.

- Parce qu’on est moins emmerdé par les cons –pas sûr.
- Parce qu’on aime bien regarder sans parler.
- Parce que si on attendait que quelqu’un arrive, on ne ferait pas grand chose.
- Parce que le jour où tu rencontres la personne qui a envie de fermer sa gueule au même moment que toi, et ben, c’est déjà un peu gagné.

D’abord, je ne suis pas seule, vos regards incessants me poursuivent et me tiennent compagnie bien malgré moi, inlassablement. Et puis, je ne suis pas blanche. Enfin, plus maintenant. Quand on arrive dans un pays étranger, ce qui est chouette, c’est qu’on fait chaque chose pour la première fois. Et par exemple, là, c’est la première fois que je mets de la Biafine à Beyrouth. Mais ce n’est pas très différent des autres fois… ça soulage, c’est froid.

-Vous savez où sont les souks ?
- C’est toi le souk.
- Ouais je sais, mais bon…

Du coup, je lève le nez au ciel, je regarde tout, mes yeux à moi scrutent aussi, mais ne jugent pas. Ils emmagasinent tout dans le foutoire de ma mémoire, les escaliers, la verdure qui va bientôt les manger, les fenêtres, la moindre petite corniche, les salons dévastés, ceux dont la construction ne sera jamais terminée. J’ai un faible pour les maisons abandonnées, de leurs fenêtres s’échappent des effluves, l’odeur d’une majesté passée. Moi qui ai toujours voulu épouser le prince de la galette des rois, je suis comme chez moi. Ces maisons sont des châteaux, et ma mémoire le souk de la situation.


Je cherchais juste les souks de Beyrouth.
- Tu veux une réponse à ta question, petite ?
- Oui, je veux bien…
- Ne cherche pas, il n’y en a pas.

A la place, Gucci, Starbucks, Virgin et Dunkin’ Donuts. Impossible de se perdre dans les souks disparu, seule à Beyrouth et j’aime ça, je me contenterai de l’houmous de ma vie, baklava mon amour me voilà.