dimanche 7 septembre 2008

La Gazette de Paris #25

Sirène et tais-toi


Stéphanie Schneider, http://a-dream-like-this.blogspot.com/

- Sereine.
- Sereine…
- Persuade-toi, t’es sereine et puis c’est tout.
- Sirène ?
- Bon allez d’accord, si tu veux.

Tout a commencé un matin, dans le métro. Je quitte Paris un accordéon dans l’oreille. Si j’ai encore Les Amants de la Saint-Jean dans la tête en arrivant sur la plage, je ne reviens pas. C’est là que je me suis transformée.
Je veux et j’exige d’aller à la mer, point final. Julie proposait le club mickey sur la plage de Dinard, Jérôme, le club niquer à la gaule. J’hésitais, pas longtemps, le temps de me transformer.

Tu pars en vacances et là tu prends des résolutions, prendre soin de son corps, bronzer sans brûler, apaiser toutes les petites rougeurs, les irritations, décider de guérir, de ne plus écorcher le petit cratère que l’on gratte quotidiennement pendant si longtemps dans l’espoir secret qu’il s’infecte un jour pour de bon. Cicatriser à force d’eau salée. Sérénité.
Doucement, tu t’assois dans l’eau, tu te risques même à t’allonger, et là t’as vraiment l’air d’une sirène échouée. Echouée mais bien dans ses pompes, je dirais même sacrément bien dans ses méduses. Tu regardes l’horizon, tu goûtes la mer pour voir si elle est toujours salée, donc tu ne te rends pas tout de suite compte que le petit garçon à côté te jette du sable dessus. Je m’insurge, on ne lui a jamais dit qu’on ne jette pas de sable sur la petite sirène. Putain.

Pas de gros mots. Il est interdit de marcher sur la pelouse des jardins publics comme de faire la gueule sur la plage. Les vacances me paraissent un peu longues du coup, pas facile 1/de faire croire que je suis une sirène, parce que j’y tiens 2/que je ne suis pas une fille insupportable… que je suis drôle même si je ne bronze pas, que je ne suis pas si pénible que ça, même s’il faut me remettre de la crème dans le dos toutes les 20 minutes et que pour finir, c’est évident, je ne bronzerai pas.
Vu que je ne chante pas très bien, je n’essaie pas non plus d’attirer les marins, et ça marche. Je laisse les garçons et les filles jouer avec leur cœur comme on joue au frisbee pendant qu’ils se BBM tranquillement (black berry messenger). Je sirène et je me tais. Je suis en vacances, je mange des livres et je parle avec les mouettes, c’est aussi bien.

Étape numéro deux : s’allonger sur l’eau. Je ne vais pas cafter, mais cet été, j’ai noté le nom de tous ceux qui ne savaient pas faire la planche. Tout doucement, donc, je me déplie, j’en profite pour sortir les pieds de l’eau et vérifier que j’ai toujours mes méduses, puis je compte chacun de mes os. Ce n’est pas une découverte, mais je flotte. L’occasion pour fermer les yeux et se demander, comme le fait la maîtresse sans imagination à chaque rentrée, quel est mon plus beau souvenir de vacances ?

Lorsque mes soeurs m’ont oublié dans la piscine de l’hôtel et qu’en quelques heures mon corps est passé du blanc pâle au rouge écarlate ? Ou le fait que les années suivantes j’ai dû systématiquement me baigner avec un tee-shirt pour prévenir tout oubli malencontreux… Souvenirs douloureux qui ont le mérite de rester gravés dans ma mémoire. Mais ce que je préfère, c’est quand même la sirène à la mer, le jour où papa a imité celle des pompiers. Cette fois-ci, j’étais vraiment échouée, je saignais, la tête contre un rocher, cette année-là aussi j’avais dû vouloir vérifier si l’eau de mer était toujours salée. Toujours est-il que papa a couru dans les rues en chantant tululu tululu.


Linus Lohoff, http://a-dream-like-this.blogspot.com/

Hier, le chat Pepette est mort, les vacances sont finies, l’enfance aussi, c’est peut-être là que je me suis transformée. Une sirène à la mer… Je n’en démords pas et je continuerai de porter mes méduses dans les rues goudronnées de Paris. Faites un effort, ce n’est pas si compliqué, il suffit d’imiter la sirène du pompier.